vendredi 4 janvier 2013

Les « Cahiers d’art » spécial renaissance





 
« Ce jour-là, je suis passé rue du Dragon et j’ai découvert l’adresse des Cahiers d’art. J’étais passé deux mille fois devant sans l’avoir jamais vue ! Je suis entré, pour voir. Je ne savais pas que c’était encore vivant, rien n’avait été édité depuis 1960. J’ai demandé si c’était à vendre. » Pierre de Fontbrune, l’homme à qui s’adresse le collectionneur Staffan Ahrenberg, lui conseille de laisser sa carte et de rencontrer son frère, Yves. Ils se verront le surlendemain : « Vous tombez bien, je pensais vendre », dit Fontbrune. Réponse d’Ahrenberg : « Très bien, j’achète. » Et c’est ainsi, par hasard, que le collectionneur suédois a repris en 2011 la revue, la maison d’édition et la galerie fondées en 1926 et relancé cette formidable aventure.

Car les Cahiers d’art sont un mythe. Fondés en 1926 par le critique d’art et écrivain Christian Zervos (1889-1970), les Cahiers, contemporains au départ du Bauhaus, de Klee ou Kandinsky, vont tout de suite s’intéresser à Matisse, Braque, Léger, Giacometti, Picasso surtout, et collaborer avec eux, produisant notamment des pochoirs de Miró et les Cœurs volants de Duchamp. Rien que cela !
Entre 1926 et 1960 — avec une interruption pendant la guerre, de 1941 à 1943 —, la revue va ainsi publier 97 numéros, et les éditions plus de 50 livres, d’art mais aussi de poésie, notamment de Paul Eluard. Samuel Beckett y écrira l’un de ses premiers textes en français, Jacques Lacan plusieurs articles. Le plus grand fait d’armes reste bien sûr le catalogue raisonné des œuvres de Picasso que Christian Zervos commence en 1932, réalise en collaboration avec l’artiste et qui ne sera terminé qu’en 1978, huit ans après la mort de l’éditeur. Avec un total de 33 volumes et quelque 16 000 illustrations, « le Zervos », ainsi qu’il est appelé, reste aujourd’hui la bible sur Picasso.
 
En une du nouveau numéro de la revue — il y en aura un à trois par an — officiellement relancée jeudi dernier, on peut lire cette indication : 36e année, n°1, 2012. Un numéro principalement consacré à Ellsworth Kelly, l’artiste qui, dans la tradition de la revue, a participé à son élaboration. 

Avec à la rédaction en chef, Staffan Ahrenberg, Samuel Keller (le directeur de la Fondation Beyeler à Bâle) et Hans Ulrich Obrist (critique d’art et commissaire d’exposition) qui réalise ici l’interview de l’artiste, on peut lire des textes d’Yve-Alain Bois, Ann Hindry, Richard Townsend. On y découvre aussi un hommage à Oscar Niemeyer par Tadao Ando, des photos inédites de Cyprien Gaillard, des dessins récents d’Adrián Villar Rojas et la reprise d’une conversation entre Picasso et Christian Zervos. La boucle est bouclée, tout peut redémarrer.

Cahiers d’art, 136 pp., broché avec une lithographie d’E.Kelly, 60 euros.
Par abonnement sur Internet (www.cahierdart.fr) ou à la librairie et galerie Cahiers d’art, 14 rue du Dragon, 75006 Paris.

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